2006
Tu sais.
Ce soir je vais mal. Comme beaucoup d’autres soirs précédents à vrai dire. Mais je ne détecte plus cette légère retenue qui me permet de me contrôler, et de résister un minimum.
Je sais que ce soir je vais encore faire une connerie, c’est inévitable. J’ai beau lutter, mais ça en devient de plus en plus difficile. Au point ou j’en suis, j’ai plus envie de me faire des reproches. Plus envie de me battre contre moi même. C’est dure quand on y pense, et contre nature peut être non? Je ne sais pas.
Tu sais, j’en ai réellement besoin, il le faut, je suis si mal. Toutes ces prises de têtes incessantes, mes mauvaises journées à répétitions, ces passades noire qui brouille mon esprit. Cet ange noir et lugubre posé au dessus de moi. Toutes ces remises en questions interminables qui me ronge de l’intérieur. J’en peux plus. Tu sais, se sentir seule mais tellement seule, incomprise, différente.
Ce soir je suis seule. Au fond de ma chambre recroquevillé sur moi même, avec cette putain de musique aux sonorités morbides qui tourbillonne dans ma tête, si cruelles à l’âme. Tu sais, cette musique qui me fait penser à toute cette merde qui m’emprisonne, qui m’envahie sans cesse. Stop, je pleure, je cris. Plus rien ne sort, plus aucuns sons, épuisement, fatigue. Ras le bol.
J’ai quand même honte. Honte d’être jeune et de me permettre d’avoir de telles pensées. J’ai honte de ces cicatrices qui sont sur mes poignées. Honte d’être déjà blessée et marquée par le temps à mon âge. Le temps m’entaille, je ne suis pas de taille pour l'affronter, il me fait si peur. Honte d’être gravée de cette souffrance, honte de me cacher de ce geste incompréhensible aux yeux de beaucoup. Cette horrible peur d’être juger pour celle que je suis simplement.
Tu sais, pour moi c’est comme une drogue. La douleur je ne la sens même plus. J’aimerais arrêter, ne plus y penser, mais comme une droguée je replonge, et les doses sont de plus en plus fortes et difficiles. J’encaisse. Je m’éteins petit à petit, me laisse sombrer dans cette dépendance destructrice. Mais je l’aime.
Tu sais, si je me mutile ce n’est pas pour m’amuser et susciter la pitié des autres. Oh non, loin de ça. J’ai commencé cette merde car j’avais de bonnes raisons, il le fallait, comme une évidence, une obligation. Je voulais pas vraiment en finir, mais j’avais besoin de me punir de mes pensées noires, j’avais besoin de faire sortir une douleur beaucoup plus profonde en moi, besoin d’exorciser quelque chose d’enfouie.
Au début, cela n’était qu’un genre de soulagement. Mais ça c’était avant l’étape de devenir une vraie drogue. Je suis en plein dedans. Je prend parfois plaisir à voire mon sang couler sur ma peau. Je me sens tellement forte, tellement puissante d’avoir osé planter cette infâme lame dans ma chaire. Je parle comme une malade. J’ai toujours dit que la douleur physique n’est rien comparée à la souffrance moral. Je souffre, j’ai peur, j’exulte, mélange exquis.
J’ai honte. Elle s’est emparée de moi cette putain de honte et de culpabilité de merde. Je pense aux plus malheureux que moi, et j’ai honte. Je suis perdue, paumée. J’ai du mal à avoir les idées aux claires. Je pleure depuis des heures, en vain. Le désespoir je crois. Je voudrais plonger dans une profonde léthargie et y rester.
Dans ma tête c’est un bordel innommable. J’ai envie d’être égoïste là, maintenant, tout de suite. De me permettre un tel privilège. Je sais bien que l’acte fatale sera difficile à atteindre.
Je suis allée plus loin, plus profond, et quel pied, le plaisir était immense et intense. J’en tire une telle satisfaction. J’adore sombrer.
Les souvenirs reviennent de plein fouet, les plus moches, les moins roses, ceux qu’ont refoule mais qui te revienne à la gueule comme des claques violentes. Je dois dépasser mes limites, j’en veux plus, de quoi je suis capable? Jusqu'où je suis prête à aller maintenant?
J’ai pris ces cachets tu sais. Beaucoup. Un petit cocktail. Je ne connais pas les dangers, on verra, c’est comme un jeu, la roulette russe revisité. A chaque cachets une larme le long de ma joue. La panique m’envahie soudainement. Et si c’était maintenant! La joie pointe le bout de son nez.. Les questions fusent dans mon esprit ; Je continue? J’arrête? Comment ça va se terminer? Bordel monstrueux. Merde j’ai vraiment peur en fait. Je veux pas crever avec un mal de ventre atroce.
Je reviens de l'hôpital ; lavage d’estomac. Cauchemardesque. Pour mes parents c’est le drame total, l’apocalypse. Ce sont de bons parents, et dieu que j’aime mes parents. Ils ne comprennent pas, normal. J’ai pas envie qu’ils me comprennent. A quoi bon?
Je suis hospitalisée dans un centre psychiatrique pour jeune. Je ne m’y attendais vraiment pas. C’est un réel choc, je suis perturbée maintenant. J’ai envie de m’enfuir, lacets confisqués, barreaux, codes aux portes, couverts en plastiques. Who. Ca me fait mal pour mon entourage, ils penses m’aider, mais je crois que c’est l’effet totalement inverse. Je me referme sur moi même. Je décide de guetter la mort partout. Mon unique but, mon unique désir à l’heure actuel ; mourir plus que jamais.
J’ai pris mon mal en patience, je devais y passer Noël. Papa et maman ont fait en sorte que non. Je fais semblant d’aller bien. Au fond je jubile de la morbidité de mes pensées.
J’ai passé ma soirée dans le noir à penser, en écoutant Pavane de Faure, dieu que j’aime la musique classique, elle me transcende, me transperce, me fait mal. Il est 3 heure du matin passé. Je me suis levée en trombe pour aller vomir ces quelques anti-dépresseurs pris en surdose. Il fallait que je dorme. J’ai l’impression que mon esprit plane déjà hors de mon corps et me nargue, seul mon corps reste animé. Je voudrais qu’il soit inerte. Je n’ai plus peur.
J’ai ouvert ma fenêtre, l’atmosphère est doux, j’adore sentir le vent. Il m’apaise. Depuis toujours je suis attirée par le vide. Je ne sais pas pourquoi, mais c’est assez puissant et fort cette sensation. Je m’assoie sur le bord de ma fenêtre, sourire aux lèvres. J’aurai du y penser avant au final.. Mais je ne devais pas être prêtre je pense. Dans ma tête ça commence à redevenir le bordel, et là j’ai entendue cette putain de phrase SOIS EGOISTE NE PENSE QU’A TOI. Plus personne ne pourra me reprocher quoique ce soit.
De mes bras je fais une légère pression, et me laisse tomber dans la pénombre. Plus le temps de penser à rien, peut être un dernier sourire à cette vie enfin achevée.
Je ne suis plus là.